Sheridan le fanu - La maison près du cimetière

Publié le 4 Février 2011

Permettez-moi de vous parler de joseph sheridan le Fanu (1814-1873) .
Si cet auteur Irlandais est surtout connu pour sa longue nouvelle "Carmilla" , récit vampirique et sapphique ,  il a également écrit de nombreuses nouvelles fantastiques, où apparait le Diable ou un de ses affiliés et finissant souvent par une mort violente, ainsi que des histoires de fantômes qui sont à l'origine de la vague des "Ghost stories" qui submergea l'Angleterre Victorienne : il inspira
, entre autres, Bram Stoker et Montague Rhodes James qui l'admirait énormément. 

Extrêmement populaire à son époque mais oublié par la suite, il est remis d'actualité en particulier chez les  éditions Corti et les éditions Phébus.

(Vous trouverez sur ce blog une histoire de fantôme inédite en français : "Dickon the devil" traduite par votre serviteur)

Il a également écrit de nombreux ouvrages qu'on peut qualifier de thriller avant la lettre comme "l'oncle Silas" son livre le plus connu, "Invitation au crime" et , surtout , l'excellent (à mon avis) : "La maison près du cimetière".


Ce pavé de 600 pages met en scène, en 1767, le petit village Irlandais de Chapelizod, près de Dublin, composé de nombreux personnages bavards , cancaniers mais , ô combien attachants. La venue d'un étranger au passé trouble va mettre en émoi la petite communauté et faire resurgir d'anciennes histoires qui aboutiront à un meurtre.

Merveilleusement traduit par Patrick Reumaux, ce récit tortueux prend son temps pour nous familiariser avec ce village pittoresque où siège l'artillerie Royale Irlandaise.

Les deux fils conducteurs y sont le langage et le temps : Le narrateur, pourtant si éloigné de nous, regrette lui-même une époque passée et l'évoque avec nostalgie, s'accrochant à des souvenirs et des sensations qui ne sont plus.

Les scènes et les dialogues du quotidien donnent consistance à des hommes et des femmes de tout milieux qui nous semblent proches et familiers. On a grand plaisir à parcourir les rues et à pénétrer dans les maisons de Chapelizod en leur compagnie pour observer ce microcosme encore tellement actuel par ses travers et ses habitudes.

Le Fanu réussit à donner vie à une galerie de nombreux personnages hauts en couleur et bon-vivants qui forment un gigantesque puzzle où chaque pièce n'est ni plus, ni moins importante qu'une autre.

Cette manière de décrire, de façon poétique et touchante, la nature et ses éléments déchainés ainsi que cette autre nature, bien humaine celle-là mais toute aussi instable et remuante, nous montre l'amour immodéré qu'il portait aux choses et aux gens. Comment nous tous, quelque soit l'époque et le lieu, courons après les mêmes chimères à des degrés divers pour aboutir au bien-être : l'amour, l'argent, la sécurité, le pouvoir, oubliant parfois que nous finirons dans un grand dortoir fermé d'une grille aux lignes ouvragées.

Les histoires s'entremêlent, alternant humour et gravité, ambiance gothique et scène burlesque, le fantastique, qui n'est jamais loin en Irlande, surgit au détour d'un conte de nourrice. L'amour, la mort y sont évoqués avec pudeur et retenue d'une manière magistrale et poignante.


Peu à peu, ce qui parait fouillis et décousu comme une chronique de village, finit, avec le recul, par faire apparaitre une construction harmonieuse où tout est à sa place.

Une fois le livre terminé, la même nostalgie que ressentait le narrateur nous envahit et l'on quitte le village et ses habitants avec le coeur serré.


 

Photos illustrant La maison près du cimetière


 « Le demi-bastion du dépôt, crénelé pour les exercices de tir, permet de voir sans être vu, avec l'aide d'une bonne paire de jumelles, tout ce qui se passe dans l'arène où le redoutable O'Flaherty et le sinistre Nutter vont croiser le fer pour de bon. »

 

 

« Je disais donc que, de cette position avantageuse, en regardant à l'ouest au-dessus de la grande étendue de vert en direction des minces fumées qui s'élevaient des cheminées de Chapelizod, douillettement blottie dans le giron de la combe, près de la rivière, la fameuse arène des Quinze-Acres, où tant de héros ont croisé le fer et tant de fanfarons mordu la poussière, était distinctement visible au premier plan. »

 

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« Devereux s'appuya à la clôture et se mit à raconter toutes sortes de choses, sensées et insensées, qui les firent éclater de rire, et il leur chanta quelques couplets d'une étrange ballade, où il était question de l'amour malheureux d'un capitaine. »

 

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« Regardez la rivière...N'est-elle pas féminine? Elle est triste et elle est joyeuse, musicale et miroitante...et oh ! Si profonde ! Toujours changeante et cependant toujours la même, elle vous montrera les arbres, ou les nuages, ou vous-même, ou les étoiles, et elle est si claire et si sombre, si ensoleillée et...si froide. Elle dit tout et elle ne dit rien. Elle est si pure, si joueuse, et si mélodieuse, et si sauvage, si mystérieuse, si fatale. Il me semble parfois, miss Lilias, que j'ai vu l'âme de cette rivière et que...et qu'elle vous ressemble beaucoup ! »

 

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« Dans la matinée, la femme de chambre fut terrifiée en découvrant la trace d'une main imprimée dans la poussière sur la table du petit salon, où on avait déballé la veille des faïences de Delft et d'autres objets. L'empreinte du pied nu dans le sable n'effraya pas autant Robinson Crusoé. Ils étaient tous très nerveux et certains rendus à moitié fous par la main. »

 

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« Il prit la note, mit en rouleau les cinquante guinées et les fourra dans la main de la dame, qu'il accompagna dans le jardin et, en lui adressant un « Beau matin, vraiment ! » et un « Dieu vous bénisse, madame ! », suivis de l'un de ses sourires particuliers, il l'amena jusque sur la grand-route par une porte à claire-voie. Ainsi s'en alla Mrs Sturk, sentant à peine le sol sous ses pas, cependant que Paul Dangerfield, portant très droite sa tête blanche, la conscience en repos, les binocles d'argent lançant des éclairs au milieu des lilas et des cytises, regagnait son salon. »

 

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Rédigé par Kako

Publié dans #Joseph Shéridan Le Fanu

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