Petit pelerinage à Pontorson sur les traces de mon oncle

Publié le 28 Décembre 2011

 

Alors que je voyageais par le chemin de fer qui traverse ma Normandie natale, je m'aperçus qu'un des arrêts était la petite ville de Pontorson. N'étant pas pressé par le temps, je décidais d'y passer la journée pour effectuer un petit pèlerinage sur les traces de mon grand-oncle qui avait terminé sa vie ici dans des circonstances plutôt troubles.

C'était un vieil excentrique vivant comme un sauvage qui n'avait plus de relation avec le reste de sa famille. Il végétait dans son immense maison au milieu d'un fouillis d'objets hétéroclites qu'il appelait ses œuvres d'art, en fait, un amas de quincailleries sans valeur amassé au fil des ans passés à écumer toutes les brocantes de la région.

Peut-être avait-il fini par trouver l'objet de ses rêves – ou ne pas le trouver – toujours est-il que sa raison chancela sous le poids de sa monomanie et qu'il termina ses tristes jours interné à l'asile de Pontorson.

Voilà tout ce que je savais de sa vie et il me sembla intéressant de voir les lieux qui avaient marqués les différentes étapes de sa sombre existence.

 

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J'étais le seul voyageur descendant à Pontorson.

La petite gare déserte suait la mélancolie sous un ciel tourmenté où fuyaient de gros nuages. Peu fréquentée l'hiver, elle ne devait le prolongement de son existence que grâce à la renommée de son illustre voisin, le Mont-Saint-Michel, qui drainait d'innombrables touristes les jours d'été.


 

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Mon maigre bagage à la main, je parcourais les rues de cette petite cité déclinante où de nombreux panneaux « A vendre » s'affichaient aux devantures d'anciens commerces et aux façades de maisons autrefois cossues, aujourd'hui rongées par la décrépitude.

 

La majorité des passants que je croisais étaient des personnes vieillissantes auxquelles se mêlaient parfois les visages hagards des « clients » point trop dangereux de l'hôpital psychiatrique, assez inoffensifs en tout cas pour qu'on les laisse déambuler à leur guise.

Après m'être renseigné auprès de ces fantômes errants et suspicieux, je finis par trouver l'emplacement de la maison du « vieux toqué » comme on l'appelait par ici.

 

 

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C'était une grande et robuste bâtisse à deux étages complètement abandonnée comme l'attestaient les fenêtres aux vitres brisées et les volets à demi-fermés.

Entourée d'un jardin en friche ceinturé d'une grille de fer, elle avait dû connaître son heure de gloire mais n'était plus, pour l'heure, que le repaire des rats et des chauve-souris. Son imposante façade, érodée par les intempéries, semblait ruminer sur sa splendeur passée et les rares éclaircies qui l'illuminaient par intermittence la rendaient encore plus lépreuse et misérable.

 

 

Il me restait plusieurs heures avant le train du soir, je décidais de continuer mon périple vers la campagne environnante en direction des marais de Sougeal.

Mon itinéraire qui longeait la rivière « Le Couesnon » me fit passer près des hauts murs du vieil asile où mon grand-oncle avait passé les dernières années de sa vie.

 

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De ce lieu de désespoir, je n'aperçus qu'un corps de bâtiment à la façade froide et austère qui souvent caractérise ces endroits où échoue, en dernier ressort, la détresse humaine. Deux petites constructions aux larges ouvertures grillagées bordaient la route et je ne pus m'empêcher de frissonner en les longeant, songeant qu'une chiquenaude du destin pouvait vous envoyer brusquement du mauvais coté de la barrière.

 

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Passant sous les ponts de la voie ferrée qui surplombaient la rivière, je m'enfonçais dans la campagne qui paraissait encore plus triste et désolée sous ce ciel bas et gris.

 

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Les deux seuls êtres vivants qui vinrent à ma rencontre furent deux chevaux pataugeant sur le sol boueux d'un pré carré, prisonniers eux aussi derrière une clôture.

 

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J'atteignis enfin les terres inondées des marais de Sougeal. L'eau marécageuse où plongeaient les racines d'arbres dépouillés et squelettiques reflétait la triste étendue du ciel de décembre. Seul le cri d'oiseaux aquatiques résonnait sur ces mornes étendues d'eau glacée et stagnante si propre à la mélancolie.

 

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J'avais une dernière visite à effectuer avant de reprendre le cours de mon existence. Je voulais me recueillir sur la tombe de mon parent.

Je retournais la tête pleine de pensées moroses vers la ville et son église où le curé, qui préparait la Nativité, m'indiqua l'emplacement de la dernière demeure de mon oncle. La face bienveillante du prêtre tout occupé à ses joyeux préparatifs de Noël me mit un peu de baume au cœur et chassa mes idées noires. La vieille église semblait accueillante avec sa crèche et ses décorations alors qu'un rayon de soleil traversant les vitraux tapissait le mur au-dessus du maitre-autel de taches multicolores.

 

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Je rejoignis le cimetière et fini par découvrir où reposait mon grand-oncle. Sa tombe, laissée à l'abandon , était surmontée d'une croix de fer ouvragée inclinée sur le coté. Jusque dans la mort, le doigt malicieux du destin l'avait marqué du signe du déséquilibre.

 

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       Texte et photos par kakobrutus

Rédigé par Kako

Publié dans #texte et photos

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G
<br /> Très émouvant ce souvenir de Pontorson des années 50,cette magnifique maison face à la gare. Ce monsieur Pivert qui nous permettait de monter dans le grenier d'où nous pouvions admirer le Mont,<br /> une vue incroyable.<br />
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L
<br /> Tres joli pelerinage teinté d'emotion. C'est toujours émouvant de plonger dans le passé de ceux qui furent, plus encore quand des liens familiaux s'y melent. <br /> <br /> <br /> A bientot <br />
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